Question de criticité
Pour construire une stratégie de prévention adaptée, il est indispensable d’évaluer le risque. L’estimation du risque détermine l’importance et la probabilité d’occurrence d’un événement dangereux en fonction de l’exposition. La prévention des risques industriels, qu’ils soient professionnels ou environnementaux, s’appuie sur la notion :
danger/risque, accident/dommage
La définition du risque est proche dans ces deux domaines, mais les pratiques d’analyse sont différentes :
risques professionnels : la pratique de l’évaluation des risques s’appuie sur l’analyse des postes et du travail (estimer le niveau d’exposition dans un but de classer les risques et définir un plan d’actions de prévention)
risques environnementaux : l’analyse de risques vise à identifier tous les scénarios susceptibles d’être à l’origine d’un accident majeur (estimer la probabilité dans un but de hiérarchiser les scénarios et définir l’étude de dangers)
Tous les autres risques peuvent être étudiés sur cette même base.
La cindynique est la « science du danger » développée pour éviter une confusion entre danger et risque :
Risque = Danger x Exposition
Un danger : source potentiellement dommageable, correspondant à un préjudice ou à un effet nocif à l’égard d’une chose ou d’une personne.(machine, d’une activité, d’un produit, d’une situation…)
Un Risque : combinaison de la probabilité d’occurrence d’un dommage et de la gravité de ce dommage.
La « probabilité d’occurrence » signifie la possibilité qu’un événement ou un incident se produise et qu’il soit défini et mesuré.
Le « risque » n’est pas synonyme de « danger ».
Si vous n’êtes pas exposé à un danger, il n’y a pas de risque : un acide fort isolé de toute exposition ne présente aucun risque.
Mais un produit considéré comme « non dangereux » peut engendrer un risque, ceci dépend de son degré d’exposition : à forte dose l’eau peut être mortelle !
Les facteurs qui influent sur le degré ou la probabilité du risque sont les suivants :
- la nature de l’exposition : mesure selon laquelle une personne est exposée à une matière ou une condition dangereuse.
- le mode d’exposition : inhalation, contact…
- la gravité : gêne, irritation, brûlure, maladie…mort.
La criticité est donc le produit de plusieurs paramètres :
- fréquence ; effectif exposé ; probabilité d’apparition, d’exposition…
- gravité ; niveau de dommages…
- niveau de maîtrise; détectabilité…
Les deux paramètres principaux, à savoir la probabilité d’apparition et la gravité, sont souvent divisés en 4 niveaux :
- Fréquence
- Très improbable.
- Improbable (rare).
- Probable (occasionnel).
- Très probable (fréquent).
- Gravité
- Faible.
- Moyenne.
- Grave.
- Très grave.
Une matrice sous forme d’un tableau à double entrées indiquent la criticité.
Ex 1: dans une entreprise X, une chaise cassée dans une salle de réunion à une fréquence potentielle de dommage de 3 ou 4 (en fonction de l’occupation de la salle). La gravité est de 1 à 2 (correspondant à une chute plus ou moins dommageable). Pour les valeurs hautes, sa valeur de criticitè est donc de : 4×2= 8.
Cette valeur de criticité n’a pas d’unité, son seul intérêt est de pouvoir faire un classement « numérique » des risques, dans le seul but de les hiérarchiser et de prioriser les actions de prévention.
ex 2: Dans cette même entreprise x, le risque routier est évalué en fréquence 1 (déplacement réduit) et en gravité 4 (accident mortel) : sa criticité est donc de 4. La « chaise cassée » a donc une criticité deux fois plus importante que le risque routier… la priorité de prévention doit donc se porter sur cette chaise.
Cette démonstration simpliste met en avant la difficulté du travail d’un préventeur qui aurait tendance à privilégier les gravités les plus importantes… mais dans ce cas, l’approche la plus pertinente est la suivante :
« Pourquoi attendre de faire une prévention sur le risque routier avant de réparer ou remplacer la chaise cassée ? «
Le calcul de criticité n’est pas complet si le risque jugé acceptable n’est pas identifié à celui jugé inacceptable.
Acceptabilité du risque :
La notion d’acceptabilité permet de distinguer ce qui peut être perçu comme tolérable ou intolérable par les décideurs. Cette notion peut varier en fonction de :
- la culture du risque
- la perception du risque
- l’éthique
- les objectifs définis…
Cette notion peut évoluer avec le temps et l’espace. Elle peut prendre des significations différentes en fonction des environnements réglementaires, normatifs ou économiques.
Ex: le risque acceptable est souvent celui qui est légalement permis. Le seuil du risque «acceptable» ou «négligeable» varie selon les circonstances et les risques évalués (ex: nucléaire).
Cette notion sera abordée dans un chapitre suivant.
variantes de calcul de criticité :
L’analyse des calculs d’évaluation et des grilles de criticité montrent une grande diversité de pratiques :
C = Aléa x Vulnérabilité des enjeux
C = Probabilité d’occurrence x Intensité
C = Danger x Exposition x coefficient de prévention
C = Fréquence x gravité x détectabilité
C = probabilité x impact
C =probabilité d’occurence x gravité
C = fréquence x exposition x gravité x coefficient maitrise
C = fréquence x exposition x gravité x coefficient prévention
C = probabilité x coûts
J’aborderai les points de convergences et de divergences entre les différentes méthodes d’évaluation recensées (professionnelles, environnementales, financières…). Enfin j’ouvrirai prochainement des pistes de réflexion sur une démarche commune à l’ensemble des domaines : « l’approche globale du risque ».
Extrait de « L’approche globale du risque » ouvrage en cours d’écriture
Antoine Bourges Septembre 2017, Castres (81 Tarn)